« Dans mon cœur à jamais » est une déclaration d’amour de l’autrice Narinai Abgaryan à sa terre natale ! De la mélancolie, de la tendresse, de la colère aussi à travers les yeux d’une enfant.
Le hasard avait mis entre mes mains son premier roman « Et du ciel tombèrent trois pommes » qui posait déjà les premières pièces d’un amour incommensurable pour l’Arménie, sa terre natale. Elle poursuit ici ses tranches de vie à travers les yeux d’une fillette née dans les années 1970 à Berd en Arménie…. comme elle.
De quoi parle ce roman ?
« Voici un roman qui fait partie des œuvres qui vont marquer la littérature. À la manière de Tchekhov, son auteure met en scène des gens, des familles, dont les caractères font l’objet d’une histoire romanesque. C’est un roman sur les aînés et les êtres chers qui nous accompagnent toute notre vie, même après leur mort, et leur présence invisible, formatrice et rassurante. Des personnes dont le passé difficile n’a pas empêché de garder un cœur généreux et aimant. L’auteure narre, à travers de courtes nouvelles, des scènes de son enfance dans le Haut-Karabagh en Arménie. Avec des saynètes fantastiques issues de ses souvenirs, des moments partagés entre jeunes et aînés et une vision enfantine de la vie, elle dresse le portrait de sa famille et de ses amis d’enfance à travers ce pays qui lui est cher, sa culture et sa langue. »
Mon avis sur ce roman au coeur du Haut-Karabagh
C est l’histoire d’une fillette qui a la langue bien pendue. Dis comme cela, on pourrait croire à un roman léger sur une famille en Arménie que l’on suit au fil des confidences et des souvenirs évoqués avec la jeune enfant. Ce serait alors passer à côté de la nostalgie et du devoir de mémoire de l’autrice.
Il est bon mais aussi terrible de se glisser dans les pas de cette fillette qui refuse d’ailleurs qu’on l’appelle par son prénom. Vous en connaitrez la raison bien tardivement dans l’histoire car, comme certains secrets de famille, il faut parfois du temps, des décennies pour entendre son histoire familiale, sans fard.
Qu’il est bon de se remémorer les histoires du passé avec les grands-parents du village. Et gare à celles et ceux qui oublient la culture et les traditions !
Alors que le Haut-Karabagh fait la Une des actualités en ce début d’automne 2023, ce récit éclaire sur les déchirements politiques que connait la région, depuis toujours. Dans ce roman, à la manière des madeleines de Proust, l’autrice égrène les petits plaisirs du quotidien, les plats traditionnels qui réconfortent, les odeurs de la nature et des maisons. Tous ces petits riens qui permettent de tenir quand la guerre mutile, tue et anéantit ceux qui nous sont chers. Ce roman est terriblement touchant.
Poser les mots pour se souvenir.
Poser les mots pour que les êtres disparus vivent encore dans les mémoires.
Poser les mots pour dire le beau mais aussi l’horreur.
…Magnifier avec les mots des vies ordinaires.
Un très bel hommage à la vie dans un petit village arménien sur plusieurs générations.
Sandrine Damie
Dans mon coeur à jamais
De Narinai Abgaryan
Traduit du russe par Ekaterina Cherezova
Éditions 10/18
8,60 €
A lire aussi : « Dans les yeux d’Anouch«
Pour éclairer les plus jeunes sur la déportation des Arméniens en 1915, Roland Godel livre ici le témoignage de sa grand-mère, romancé et documenté par d’autres publications sur la période. « Dans les yeux d’Anouch » est un roman fort et instructif.
