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Roman Djoliba : Entretien avec Gaël Bordet et Magali Attiogbé


Djoliba, la vengeance aux masques d'ivoire - roman sur le Mali médiéval

Djoliba est un roman policier dont l’intrigue se passe au 14e siècle au Mali. Il offre une belle mise en lumière de l’Afrique de l’Ouest à l’époque médiévale. J’ai demandé aux éditions Hélium d’interviewer son auteur et son illustratrice pour connaître leurs démarches de création.

Merci aux éditions Hélium pour avoir réalisé ces entretiens avec Gaël Bordet, auteur et Magali Attiogbé, illustratice.

Entretien avec Gaël Bordet :

Gaël Bordet, auteur

Que signifie, pour vous, écrire pour la jeunesse ?

C’est très gratifiant, pour moi, d’écrire pour les jeunes lecteurs. Ils ne se prennent jamais au sérieux quand ils lisent : ils se laissent porter et si la magie n’opère pas, ils laissent tomber le livre, tout simplement. Ils ne vont pas rechigner ou critiquer. Il me semble ainsi qu’on a une grande liberté en écrivant pour eux, mais aussi une vraie responsabilité, celle de les ouvrir à des réflexions auxquelles ils n’ont pas forcément accès ailleurs. C’est très précieux et responsabilisant, en tant qu’auteur, d’écrire sur des sujets complexes qu’ils soient quotidiens, sociaux, sociétaux ou même politiques. Avec Djoliba, par exemple, je vois bien qu’il y a un espace à conquérir : très honnêtement, sur cette ère géographique, l’Afrique subsaharienne, à cette période-là, le Moyen Âge, il n’y a aucun roman, que ce soit en jeunesse ou en littérature générale, en français ou en langue étrangère.

Pourquoi avoir choisi le royaume du Mali comme décor de votre roman ?

Cela fait longtemps que je porte en moi l’idée d’écrire sur l’Afrique. Après plusieurs pistes narratives, je me suis tourné vers l’Afrique ancienne car on méconnait trop souvent l’histoire de ce continent. J’ai donc recentré mon histoire sur cette époque et j’ai choisi le Mali médiéval pour son histoire riche et intéressante liée au fleuve. Ensuite, j’ai réfléchi à un personnage dont le peuple vivrait encore aujourd’hui comme dans ces temps-là, avec évidemment les renforts de la modernité. Ainsi, les pêcheurs Bozo comme Tiamballé, le héros de Djoliba, vivent encore avec leurs traditions et leur culture mais les pirogues sont motorisées et ils se sont islamisés. Pour le décor, je voulais aussi un carrefour des civilisations et c’était le cas au Mali, à cette époque. Une fois ce cadre narratif planté, je me suis laissé guider dans cette aventure au fil du fleuve et des génies des eaux.

Djoliba, la vengeance aux masques d'ivoire - roman sur le Mali médiéval

Comment vous situez-vous par rapport à cette histoire ?

Mon rapport à l’Afrique est, en fait, assez charnel. Mes deux parents y sont nés, mes grands-parents y ont longtemps vécu et j’ai passé mes dix premières années entre la Côte d’Ivoire et le Sénégal. Ce continent, c’est vraiment une histoire de famille et des racines très lointaines. Mon grand-père, notamment, a été chercheur en pharmacopée traditionnelle et militaire détaché botaniste pendant la Seconde Guerre mondiale.

Quand j’étais enfant, il me parlait souvent de son rapport aux plantes et aux guérisseurs : ça m’a énormément nourri, à la fois dans mon imaginaire de petit garçon et dans mes envies futures. J’ai ainsi une culture métissée, entre deux continents. Par ailleurs, je suis passionné par les arts africains et j’essaie de comprendre et de cultiver cette créolité, une identité qui est le fruit d’une culture mais aussi d’un vécu et d’échanges.

Comment vous êtes-vous documenté pour écrire cette enquête dans le Mali médiéval ?

Pour me documenter, il n’y avait pas profusion de livres. J’ai eu accès à des études, des livres scientifiques et anthropologiques, j’ai dû fureter en bibliothèque et j’ai mis longtemps — presque trois ans — à regrouper toutes les informations possibles sur le sujet. Il y a tout de même quelques historiens, dont François-Xavier Fauvelle notamment, qui travaillent sur cette ère historique. Les jeunes, aussi, s’intéressent à l’Afrique aujourd’hui : on voit apparaître de plus en plus de recherches historiques et de fouilles archéologiques.

Qu’avez-vous voulu transmettre avec ce roman ?

L’idée même de ce roman est la transmission. J’avais envie que des ados, et même des jeunes adultes, aux origines africaines et qui se retrouveraient éloignés de cet héritage culturel, puissent s’en emparer et s’en trouver un peu fier aussi. J’avais également envie de décrire l’Afrique non pas seulement par le prisme de ce qui ne va pas aujourd’hui — la corruption politique, les conflits communautaires et ethniques, etc. — mais par celui de son histoire incroyable que l’on raconte trop peu, avec de vraies convergences, de vraies interactions entre les peuples, des langues et des populations qui coexistent au sein d’un même empire fécond et foisonnant. Je voulais aussi montrer la diversité culturelle de l’Afrique à l’époque, mais qui existe encore aujourd’hui : la diversité des traditions qui s’entremêlent entre elles. Pour moi, c’est cette vision là de l’Afrique que j’avais envie de donner à voir, celle du partage.


Entretien avec Magali Attiogbé 

Magali Attiogbé, illustratrice

Vos illustrations accompagnent le récit de Gaël, apportent des clés de lecture pour transporter les lecteurs dans une période, une histoire. Comment vous y êtes-vous prise pour les réaliser ?

J’ai fait des recherches sur le Mali du Moyen Âge pour voir à quoi il ressemblait. Des choses ont étés écrites sur les sujet. Côté visuels, il y a quelques dessins, gravures et des cartes de cette époque mais je n’ai pas trouvé grand chose, alors il m’a aussi fallu faire appel à mon imaginaire ou m’aider de ce que j’ai trouvé sur des pays voisins qui ont certaines similitudes. C’était passionnant de chercher des archives qui parlent de la culture des peuples animistes, et des gens qui vivent au bord d’un grand fleuve comme le Djoliba.

Un mot sur votre lecture de Djoliba ? 

C’était une vraie aventure qui a fait surgir plein d’images dans ma tête, je me suis vraiment identifié aux personnages. Ce type de lecture  rappelle qu’un bon livre a le pouvoir de nous déplacer, de nous faire voyager dans le temps et dans d’autres corps, tout en restant sagement dans son lit ou son canapé. Une belle expérience à renouveler souvent.


Bonne découverte à tous !
Sandrine Damie

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